Atterrir l’action de formation

 

 

Le taux de transformation d’une action de formation est souvent faible et décevant. Le contenu proposé peut avoir été de qualité, les modalités pédagogiques appropriées, l’évaluation rendue par les participants satisfaisante, la traduction concrète en nouvelles pratiques créatrices de valeur reste en deçà des attentes.

La formation est un des leviers du développement des compétences. La compétence ouvre sur une capacité à faire différemment, et n’est pas réduite à l’acquisition d’un nouveau savoir. Pour changer une pratique, la compétence sera abordée dans la globalité des savoirs (incluant les savoir-faire et savoir-être), mais il sera surtout indispensable d’orienter le travail vers la mise en œuvre, et donc sur l’individu.

Or la formation reste encore trop uniquement centrée sur l’acte de formation (qu’il soit réalisé en présentiel ou à distance), donc sur le temps dédié à la transmission des savoirs.

Mais un voyage en avion réussi ne se limite pas à un vol de croisière agréable. Il nécessite aussi de soigner l’embarquement et le décollage (la « rampe de lancement »), ainsi que la phase de descente jusqu’à l’arrivée à l’aérogare (la « piste d’atterrissage ») !

Le collaborateur se retrouve parfois « envoyé » en formation par son manager sans réellement en comprendre le sens, ni la façon dont cela s’inscrit dans son plan de développement individuel. Il peut également avoir picoré dans un catalogue de formation, un intitulé de programme avec des objectifs généraux ayant éveillé sa curiosité ou son intérêt. Bref, pas de « rampe de lancement » pour l’individu qui lui aurait permis de tirer pleinement profit du temps de formation.

De même, une insuffisance d’accompagnement du collaborateur une fois de retour dans son poste (par son manager ou RH) le privera d’une belle « piste d’atterrissage » pour capitaliser et ancrer les savoirs nouvellement acquis. Le périmètre de la formation apparaît alors quelque peu « hors sol » pour le participant, même s’il a pu mettre à profit des temps de pratique proposés par le formateur dans son déroulé pédagogique (exercices, études de cas, mises en situation, jeux…).  Les contenus ne se retrouvent pas assez connectés au contexte et au quotidien du participant. Nous voilà dans le syndrome « la formation était intéressante, mais dans mon job c’est différent, ce sera difficile à mettre en pratique ». Dommage…

Tout comme la révolution digitale positionne le client au cœur de l’entreprise (customer centric), l’approche de la formation doit évoluer et de plus en plus installer l’individu « client » au centre du processus.

Pour maximiser le rendement d’une action de formation, il est nécessaire d’investir autant sur l’accompagnement de l’apprenant dans sa capacité et sa motivation à mettre en œuvre les compétences nouvellement acquises, que sur l’acquisition des savoirs. Cela signifie se recentrer sur l’individu et contextualiser les compétences :

Où seront-elles déployées et quelles seront les difficultés dans la mise en oeuvre ? L’environnement du participant.

Comment s’inscriront-elles dans le job ? Les missions et responsabilités du participant, impact sur ses interlocuteurs principaux.

Qui devra les mobiliser, et à quelles conditions réussira-t-il à le faire ? Le participant en tant que personne (capacités et aptitudes personnelles, facilitantes ou limitantes).

Le participant peu préparé à déployer ses nouvelles compétences, risque l’échec, la déception, ou le renoncement une fois de retour dans son poste. Il sera très vite happé par le quotidien et les impératifs opérationnels. Il n’aura pas anticipé la déclinaison sur son terrain de jeu de ce qu’il a appris en formation, et risque de se heurter à des difficultés qui le conduiront rapidement à abandonner pour revenir aux façons de faire d’avant. Le bénéfice potentiel de la formation s’évapore insidieusement et disparaît à jamais.

Ancrer les bénéfices d’une action de formation nécessite un travail de préparation de la « piste d’atterrissage » du participant. Il s’agit de préparer son retour dans son contexte professionnel en créant les conditions favorables à la mise en œuvre des compétences acquises. Le participant passe alors au centre du dispositif. Le « formateur » va accompagner le participant à atterrir les savoirs et savoir-faire dans son contexte : donner le sens de faire différemment, appréhender la communication et la mobilisation des parties prenantes, identifier et interagir efficacement avec ses alliés et les potentiels opposants, structurer une feuille de route pour assurer la mise en œuvre, et enfin pouvoir être aidé dans l’activation de ses moteurs et la levée de freins personnels.

Le participant passe du consommateur de formation au consom’acteur impliqué, exigeant et responsable. Quant au formateur, il opère sa propre transformation, passant de l’animateur sachant, au transmetteur-accompagnateur-supporteur.

Le salarié mérite ainsi son « coaching métier », et l’entreprise la rentabilité de son investissement formation !