« Se faire battre est excusable, se faire surprendre est impardonnable »

Cette citation de Napoléon Bonaparte nous positionne d’emblée au cœur du sujet : la planification. Quelles sont les contributions de la supply chain en termes de planification dans l’entreprise ? En premier lieu, le design du réseau des Opérations. Quelle stratégie de sourcing fournisseurs (nombre, localisation, degré d’intensité de la collaboration,…), de production (choix des technologies, niveau de spécialisation des usines,…), de distribution (nombre d’entrepôts, localisation, modes de transport, multi-canalité,…), d’externalisation des activités ? Les réponses à ces questions structurantes devront rendre possible la mise en œuvre de la stratégie de l’entreprise. A l’autre extrémité de l’échelle temporelle, nous plongeons dans la dimension opérationnelle de la supply chain. Prévisions, lancements de commandes d’approvisionnement, d’ordres de fabrication, de plans de chargements de véhicules, arbitrages permanents entre coûts et services, les collaborateurs de la supply-chain prennent tous les jours des décisions qui concourent à rapprocher le produit fini des clients. Entre ces horizons long terme pour la stratégie et court terme pour la planification opérationnelle, la couche tactique (souvent sur un horizon 12 à 24 mois) est cadrée par le processus « Sales & Operations Planning » (S&OP, ou Plan Industriel et Commercial), piloté dans sa construction, son déploiement et son animation globale par la fonction Supply Chain.

Les enjeux clés du processus S&OP

Alignement de l’entreprise sur un plan de demande par famille de produits, puis sur une organisation des moyens pour y répondre au mieux en termes de coûts et de services client, traitement des arbitrages par une approche transversale et globale, revues d’hypothèses conduisant à l’élaboration de scénarii alternatifs (risques/opportunités) valorisés et précisés des conditions d’activation, tels sont les principaux livrables du processus S&OP.

Ce processus mensuel réunit la quasi-totalité des départements de l’entreprise pour aboutir au « S&OP meeting », au sein du comité de direction, où seront présentés les faits marquants du réalisé du mois passé ainsi que la nouvelle vision des prévisions de volume et de CA, des recommandations sur le périmètre Demand/Supply, et parfois des demandes d’arbitrage. Le top management s’appuie alors sur les analyses fournies par le S&OP pour décider de l’allocation et de l’affectation des ressources, pour un meilleur pilotage du business.

Des principes simples, mais des écueils nombreux

Pourtant, face aux enjeux financiers majeurs et démontrés d’un S&OP performant, se dresse le constat largement partagé, de nombreuses situations d’échecs ou de résultats très en deçà des attentes. Cette situation peut paraître surprenante car le processus est simple dans ses principes, et ne nécessite pas obligatoirement d’être supporté par des systèmes d’informations sophistiqués. En fait, nombreuses sont les difficultés rencontrées. Essoufflement des ressources face aux résistances devant la nécessaire évolution des mentalités, participants happés par les problématiques opérationnelles et qui dé-priorisent leur contribution au processus ou n’assistent plus aux réunions. De même, il arrive que les équipes commerciales/marketing cherchant à intégrer les toutes dernières informations du marché, transmettent tardivement les hypothèses aux prévisionnistes que ces derniers ne peuvent alors intégrer dans le plan S&OP du mois en cours. Ce déphasage freinera l’élaboration d’un plan unique et consensuel, et génèrera de l’insatisfaction et de la frustration au sein des équipes. Enfin, la fausse délégation sévit parfois également au sein du S&OP, avec un top management non suffisamment présent dans les réunions et dont les représentants n’ont pas de pouvoir de décision, d’où des réunions qui s’éternisent et où l’on n’arrive plus à trancher. Le flou et l’incapacité à décider sont les syndromes les plus dangereux pour la pérennité du S&OP ! Mais les principales difficultés relèvent de comportements individuels, d’attitudes et de modes de fonctionnement.

Un projet d’entreprise axé « Operations », « Sales »…et RH !

A l’évidence, les obstacles principaux dans le déploiement du processus sont humains. Les bénéfices du S&OP seront d’autant plus importants et durables que le projet aura été soutenu et accompagné par une transformation managériale voire culturelle de l’entreprise. La conduite de ce changement est sans aucun doute déterminante dans la réussite du S&OP. Le commanditaire qui est aussi client et sponsor du projet, ne peut être que le Directeur Général. Le département supply chain est la cheville ouvrière de la construction du processus, il assure la maitrise d’œuvre du projet. Les fonctions directement impliquées dans le processus participeront également, au sein de l’équipe projet, à sa construction et à son déploiement : commerce, marketing, finances, achats, industriel, logistique, supply chain. Mais il est essentiel d’embarquer également la fonction ressources humaines  qui constituera un support précieux dans l’animation du « change management ». Elaboration et partage d’une vision d’entreprise pour donner du sens au changement, plan de communication, analyse des impacts sur les métiers et actions d’information et de formation associées, refonte des organisations, et accompagnement sur le terrain des équipes impactées par la transformation.

Allons plus loin sur la dimension humaine d’un chantier S&OP. Au-delà de l’accompagnement du changement que les RH peuvent avantageusement conduire, la mise en place d’un S&OP est une opportunité pour renforcer les compétences managériales des collaborateurs de l’entreprise. Redéfinir les compétences managériales attendues, ainsi que les attitudes de leadership à promouvoir : Ouverture et compréhension de l’autre, pouvoir d’écoute et de conviction, autonomie, initiative et responsabilité,  recherche de l’optimum global, capacité à évoluer en environnement complexe et incertain, rigueur et efficacité dans l’exécution.

Le S&OP donnera ses lettres de noblesse à la Supply Chain

En conclusion, nous affirmons que l’énergie à déployer pour bâtir et installer un processus S&OP, doit être principalement consacrée au facteur humain. Le changement est total : faire des choses différentes d’avant, mais aussi faire différemment ce qui est déjà fait aujourd’hui.

Le S&OP induit une profonde transformation dans les façons d’être, de penser, de décider et d’agir des collaborateurs de l’entreprise.

Voilà une aventure enthousiasmante pour un supply chain  manager qui le portera  sur des territoires parfois éloignés des thématiques opérationnelles du management de la chaîne d’approvisionnement, mais dont il sortira grandi, et avec un leadership affirmé et reconnu.