Managers, un peu d’égocentrisme !

Se former ? Nécessaire mais pas suffisant

Que de savoirs, de méthodes, de techniques et d’outils présentés dans les formations en management ! Ces contenus sont souvent intéressants, et donnent envie de se les approprier. Pourtant, l’ancrage de nouvelles pratiques de management est souvent difficile. Accordons nous pour reconnaître que le taux de transformation des actions traditionnelles de formation en management est généralement décevant.

Pourquoi ce constat, alors que les bonnes pratiques managériales sont largement diffusées, explicitées et connues de tous ? Pourquoi cette difficulté à réellement changer ses pratiques de management ?

L’entreprise trop souvent considère que l’action de formation suffit à l’acquisition d’une nouvelle compétence, et attend de ses collaborateurs qu’ils mettent rapidement en œuvre les savoir-faire qu’ils ont découverts et expérimentés en formation. Or, comme pour tout changement, comprendre et adhérer ne signifie pas changer !

Ce changement devra tout d’abord être accompagné par le responsable hiérarchique. Il devra créer les conditions pour que son collaborateur puisse appliquer les nouveaux savoir-faire. Il aura également à échanger régulièrement avec lui sur ses pratiques, sur ce qu’il réussit et ce qui lui est plus difficile, lui proposer ses feedbacks, l’aider par son questionnement et par son rôle d’exemple. Mais cela risque fort de ne pas être suffisant…

Pour manager, d’abord être auto-centré !

Le manager est avant tout un acteur de la relation à l’autre. Tout acte managérial s’initialise et se nourrit d’une interaction entre deux personnes. Manager, c’est d’abord aller vers l’autre en lui donnant à voir, entendre, et percevoir, son histoire, sa personnalité, ses émotions, ses valeurs. Avant même la signification du message, c’est l’authenticité de la personne qui va donner le ton et déterminer grandement la richesse de la relation qui s’installe. Quelle cohérence, quelle congruence entre ce que la personne pense, ressent, et exprime ? Renvoie-t-elle une belle et juste résonance ou perçoit-on de la dissonance ? La qualité de ce signal constitue le socle de l’interaction manager/collaborateur.

Etre authentique, pour le manager c’est d’abord bien se connaitre. Zones de confort et d’inconfort en situation, atouts et limites, préférences comportementales, schémas de communication naturels, vulnérabilités …. ? Se connaître, c’est aussi entendre ses besoins et y répondre. Puis dans la relation chacun va penser, dire, ressentir, imaginer, écouter…. et tout devient mouvant. L’espace manager/managé est en reconfiguration permanente. Ce qui le caractérisait et le composait il y a cinq minutes, est déjà différent dans l’instant présent. La conscience de soi devient alors la condition de maintien de cet alignement intérieur qu’est l’authenticité. Etre et agir en étant en conscience permanente et profonde de ses pensées, de ses ressentis, de ses émotions et de son intuition, voilà l’enjeu pour rester pleinement dans la cohérence et l’authenticité. Une faible conscience de soi laissera place à une forme de dispersion de soi et d’éloignement de l’autre. La relation s’en trouvera brouillée et fragilisée.

Ancrer les compétences managériales

Développer la conscience de soi permet d’installer un espace de justesse et de vérité qui invite l’autre à baisser la garde et à s’engager dans l’interaction avec confiance. Ce double enjeu de connaissance et de conscience de soi est clé dans la pratique du management. Il bâtit le socle de la relation managériale.

Malheureusement, la plupart des entreprises hésitent à investir sur le développement centré sur l’individu. Elles préfèreront dégager des moyens pour que l’organisation s’approprie du « tangible », comme la formation des managers aux concepts et méthodes de management. Quand des séminaires de développement personnel seront enfin proposés à certains collaborateurs, ils le seront à des personnes déjà expérimentées, identifiées à fort potentiel, qui ont performé dans leurs parcours, et parfois déjà démontré des aptitudes solides au management des hommes. La possibilité d’être ainsi accompagné pour travailler sur soi est reçue comme une forme de reconnaissance, venant ponctuée une séniorité et un niveau significatif de contribution à la performance de l’entreprise.

Ma conviction est qu’il faut renverser la pyramide du parcours de formation management. Permettre à chacun, même aux moins expérimentés, de travailler sur soi : développement de la connaissance et de la conscience de soi. Voilà le terreau à entretenir et sur lequel seront semés les savoirs, les outils et les méthodes de management.

… d’abord apprendre à se manager soi-même, pour mieux manager les autres. Dit autrement, en citant le psychiatre Suisse Carl Jung : « Celui qui regarde à l’extérieur, rêve. Celui qui regarde à l’intérieur, s’éveille »